PLAY BLESSURES

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Aujourd’hui, dans Roule Galette, je vous propose de découvrir — ou redécouvrir — l'album d'Alain Bashung Play blessures, paru en 1982.

Ce n’est pas facile de parler de cet album à plusieurs égards. D’abord, parce que Bashung est Bashung : un artiste qui plaît à beaucoup de monde, des plus béotiens aux plus spécialistes. Comme on ne sait jamais à qui s’adresse une chronique, et étant donné les chiffres d’écoute stratosphériques de cette webradio, il faut penser stratégique pour trouver l’angle d’attaque — super coupant.

Ensuite, parce qu’il a beaucoup été cité par des artistes comme étant un album phare du rock français : on ne voit pas trop ce qu’on pourrait dire de plus.
Par ailleurs, c’est un album qui positionne tout de suite la personne qui le revendique comme étant un « spécialiste », ce que je ne suis pas, ou un exigeant, ce que je ne suis pas beaucoup plus. Il existe un fan de Bashung pour chaque album… Le fan de Play blessures est un fan de cold wave, ce à quoi je ne peux me résumer.

Et puis, il y a cette querelle interne qui mine la direction de Saravadio à l’évocation d’un album de Bashung à chroniquer pour Roule Galette…
Ricky le Cosmonaute ne jure que par Novices, quand Hala Hata claironne que Fantaisie militaire est indépassable, là où Christophe pense que L’Imprudence est ce qu’il a fait de mieux.
En tant que grand dictateur de notre webradio, j’ai donc, en accord avec moi-même, tranché dans le vif : ce sera Play blessures. Quitte à provoquer la rupture.

Ça tombe bien, Play blessures est un disque de rupture.

Pour Bashung, d’abord, en plein doute après le succès tardif qui lui tombe sur la gueule.
Après quatorze années de galère, et alors qu'il s'apprêtait à rendre les armes, le succès de Gaby oh Gaby et de Vertige de l'amour lui fait craindre d’être enfermé dans le star-system, à enchaîner les tournées et les plateaux télé.
Le succès ne l’apaise pas : il le bouscule. Il se sent piégé, paniqué. Alors il casse tout. Il veut passer à autre chose pour rester libre.

Play blessures est un disque de groupe — peut-être le premier de sa discographie.
Avec KGDD, ils ont commencé à écumer les salles et à travailler ensemble sur Pizza, avant que Gaby n’explose, offrant finalement deux tubes coup sur coup : Gaby et Vertige de l’amour.
Fin 81, il est au fond du trou.

La musique du film Le Cimetière des voitures d’Arrabal sert de terrain d’expérimentation, qui sera les prémices de Play blessures.
En studio, il faut désapprendre et travailler sur les ambiances, les improvisations.
Pour les textes, après une phase "yaourt", Bashung les coécrit avec Gainsbourg — lui aussi au fond du trou après sa rupture avec Jane Birkin — dans une ambiance de travail éthylique, avec pour QG la cour d’un bistrot à proximité de la régie Renault.

L’album qui en ressort est un disque sombre, expérimental, qui divise et fait perdre une partie de son public.
On s’éloigne très fortement du côté américain pour plonger dans la cold wave anglaise du début de la décennie.
Sur la pochette, on y voit Bashung dans une ambiance exotica, taper sur des congas — en référence au titre original de l’album, Apocalypso, abandonné car déjà pris par The Motels sur leur album All Four One — au profit de Play blessures, extrait des paroles de Lavabo.

Disque de rupture, donc.

Pour Bashung, mais aussi pour moi.
Ce disque marque mon affranchissement d’avec mon frère. Il symbolise la période où je deviens new wave, après avoir découvert quelques mois auparavant The Cure, B-52’s, Talking Heads, Depeche Mode, Grace Jones…
Bashung, que mon frère pouvait encore supporter du temps de Gaby ou Vertige, devient infréquentable : il joue un personnage qu’il n’est pas, sa voix est trop forcée, on n’y croit pas.
Qu’importe, je me plonge dans Play blessures pour voler de mes propres ailes.

Et disque de rupture pour Saravadio, puisque trois animateurs tambourinent à la porte pour réclamer leur quinzaine !

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